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Quid novi ?

Le laboratoire
Quid novi ?
Laboratoire de sociologie juridique, bureau
Cette rubrique a vocation à accueillir régulièrement quelques lignes portant sur un événement d'actualité qui se prête à une analyse de sociologie juridique : parution d'ouvrage, vote d'une loi, publication d'une décision de justice, manifestation scientifique, etc.

Le séminaire « Flexibles notions » du Laboratoire de sociologie juridique

Le thème choisi cette année porte sur « Les sanctions en droit de la consommation », l’angle d’attaque consistant à s’interroger sur la distance existant « De la théorie à la pratique ».

Quatre séminaires auront lieu dans le courant de cette année universitaire. Vous trouverez ci-dessous le programme du premier séminaire, qui a lieu à distance :

Décembre 2021

Le colloque organisé par le Laboratoire de droit civil, les 2 et 3 décembre prochains

« Les métamorphoses du droit civil »

au centre Panthéon, 12 place du Panthéon, dans le 5ème arrondissement

La conférence organisée par la Société de législation comparée, le jeudi 2 décembre 2021 à 18 heures

28 rue Saint Guillaume, dans le 7ème arrondissement 

Le référendum d’auto-détermination du 12 décembre 2021 en Nouvelle-Calédonie : enjeux et perspectives par Eric DESCHEEMAEKER, professeur à l’université de Melbourne

Il est possible d’assister à cette conférence en présence ou à distance.
Dans les deux cas, il faut s’inscrire par courriel. Le lien vous sera adressé après inscription.

Juillet 2019 - La première !

Pour la première, l'équipe du Laboratoire avait l'embarras du choix : interdiction législative des violences éducatives ; conclusion de l'accord de libre-échange entre l'Europe et le Mercosur ; décision gouvernementale de prendre en compte la note de contrôle continu pour établir les résultats du baccalauréat des élèves dont les notes faisaient l'objet de rétention des professeurs ; comparution depuis près de deux mois d’anciens membres de la direction de France Télécom, devant le tribunal correctionnel de Paris, pour harcèlement moral ou complicité de harcèlement moral ; possible saisie des fadettes des communications téléphoniques des entreprises soupçonnées d’atteintes à la concurrence par l’Autorité de la concurrence ; bataille autour du droit à l’information et du secret des affaires ; nomination à des postes clefs européens ; ou encore proposition de nomination d'une femme à la tête de la Cour de cassation. C'est finalement sur ce dernier événement que le focus est dirigé.
On se permettra néanmoins de faire état d’une belle publication, celle des actes d’un colloque qui s’est tenu au Collège de France les 11 et 12 juin 2017 : Mondialisation ou globalisation ? Les leçons de Simone WEIL, dir. A. SUPIOT, éd. Collège de France, 2019, 240 pages. A méditer absolument !

Une femme à la tête de la Cour de cassation

La magistrature s’est ouverte aux femmes en 1946. Elle tend aujourd’hui à devenir majoritairement féminine, tout comme le greffe ou le barreau. Le premier président de la Cour de cassation, Bertrand LOUVEL, indiquait ainsi, en ouvrant le Colloque  «Femmes, droit et justice » en mars 2019, que l’avocature et la magistrature comprenaient respectivement 55,6 % et 66 % de femmes en 2018. De récentes statistiques soulignent que le phénomène est plus marqué encore au greffe, puisque 88 % des membres du greffe seraient des femmes (1). Et de fait il n’est pas rare, lors des audiences, que seules des femmes soient présentes pour rendre la justice (2). On observe toutefois, dans la magistrature comme dans d’autres métiers, le phénomène du « plafond de verre », qui empêche les femmes de parvenir au sein des instances dirigeantes, malgré leur plus grand nombre au niveau  structurel (3).

Le phénomène de féminisation de la justice a été analysé, il y a une quinzaine d'années, au sein du Laboratoire de sociologie juridique. Un groupe de recherche, constitué sous la direction du Professeur Mustapha MEKKI, a étudié les moyens juridiques de lutter contre les discriminations relatives au genre au sein des professions de la justice, analysé les discours de dévalorisation et de valorisation auxquels le phénomène donne lieu, puis s’est interrogé sur les moyens d'y remédier (4).

La nomination vraisemblable de Chantal ARENS pour succéder à Bertrand LOUVEL comme première présidente de la Cour de cassation mérite d'être soulignée dans ce contexte. Depuis Simone ROZÈS, qui a occupé ce poste de 1984 à 1988, on observera que pas moins de trente années se sont écoulées... Chantal ARENS doit évidemment cette proposition de nomination aux grandes qualités que la profession lui attribue unanimement, et dont elle a notamment fait preuve dans l'exercice de ses fonctions de présidente du tribunal de grande instance de Paris et de première présidente de la cour d'appel de Paris. Mais il est tout à fait remarquable que le Conseil de la magistrature souhaite nommer une femme, qui n'a jamais fait partie de la Cour de cassation de surcroît (5). Cela atteste un esprit d'ouverture bienfaisant.

On aimerait qu'un même esprit d'ouverture soufflât sur tous les métiers du droit. Or, c'est malheureusement loin d'être le cas. Le Conseil national du droit a même été chargé par les ministres de la Justice et de l'Enseignement supérieur d'une réflexion sur le thème, il est vrai plus général, de la mixité sociale et de genre dans les métiers du droit, réflexion à laquelle la promotion à venir du Master 2 Communication juridique et Sociologie du droit et de la Justice sera associée, avec le soutien de Claire de GALEMBERT et de Diana VILLEGAS. On peut penser que l'institution universitaire sera particulièrement scrutée, alors qu'on reproche régulièrement à nos concours de recrutement, et tout particulièrement à l'agrégation d'enseignement supérieur, de préjudicier aux femmes.

Mais revenons à notre sujet : la nomination vraisemblable d'une femme à la tête de la Cour de cassation. Parce que le diable se cache dans les détails, la question se pose alors aussitôt du titre qui sera le sien : Madame la Première, Madame le Premier ?

Le 2 octobre 2018, la garde des Sceaux adressait à ses services, au premier président de la Cour de cassation, aux responsables de cours et de parquets, une note précisant la Circulaire du 21 novembre 2017 sur les règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel (6). Le texte recommandait de ne pas utiliser l'écriture inclusive, au motif qu’elle nuirait à l'intelligibilité de la norme. En revanche, il prônait la féminisation de l'intitulé des noms de métiers, titres, grades et fonctions. Une avancée symbolique qui semblait de nature à accompagner l’évolution des esprits, et à promouvoir celle des comportements.

Mais c'était sans compter l'Académie française... Dès avril 2017, le premier président Bertrand LOUVEL l'avait prudemment saisie de la question de la féminisation des fonctions officielles (et titres correspondants) dans les juridictions. L'Académie avait alors rappelé l'importance de l'usage de la langue et sa réticence à voir modifier grammaire et vocabulaire par acte de l'autorité publique ; elle avait en outre indiqué constituer une commission  sur ce sujet (lettre en date du 6 novembre 2017, émanée du secrétaire perpétuel, Hélène CARRÈRE D'ENCAUSSE). Le 28 février 2019, elle rendait effectivement public un rapport sur la féminisation des noms de métiers et des fonctions (7). L’Académie se disait favorable à la féminisation des noms de métiers et professions : on pouvait ainsi légitimement se dire professeure, magistrate, greffière… Elle se montrait plus hésitante en revanche sur la féminisation des fonctions, titres et grades. Selon elle en effet, la distance existant entre la personne et la fonction (ou la personne et le titre, ou la personne et le grade) pouvait expliquer qu'on écartât la féminisation. Surtout, elle soulignait que l'usage — ou plutôt certains usages ? — était plus réticent à user du féminin au fur et à mesure qu'on s’élevait dans la hiérarchie… Procureur général peinait ainsi à se décliner au féminin. Bref, du Madame, en veux-tu en voilà s’il s’agit de fonctions, titres et grades subalternes, mais que les choses sérieuses restent masculines, tout de même !

Quoique soutenu par cet étrange argumentaire, ledit rapport a porté ses fruits : les fonctions de « greffier », « rapporteur » et « conseiller » sont visées au masculin dans les arrêts, alors même qu’elles seraient remplies par des femmes.

Alors faut-il se résoudre à ce que Madame reste le Premier, comme le voudraient ces « usages » invoqués par l’Académie ? Ou convient-il d’étendre en dehors du Journal officiel de la République la féminisation voulue par la garde des Sceaux ? Cette dernière solution renforcerait le panache de la nomination : une femme, unanimement estimée dans la profession, à la tête de la Cour de cassation, et désignée comme telle ! Raison pour laquelle certains  espèrent une révolution… de velours (8) !

(1) Infostat Justice, Bulletin d’information statistique n°170,  juin 2019.
(2) Voir à cet égard, les informations plus spécifiques issues du rapport sur La féminisation des métiers du Ministère de la justice, établi par l’Inspection générale de la justice à la demande du garde des Sceaux, OCTOBRE 2017, N° 041-17, consultable en ligne.
(3) Ainsi, 21% des femmes seulement accèdent aux fonctions de directrice des services de greffe : Infostat Justice, préc.

(4) La féminisation des métiers de la justice, dir. M. MEKKI, Economica, 2011, coll. Etudes juridiques.
(5) Les esprits grincheux observeront, il est vrai, que ce n’est que pour deux ans et demi…
(6) Circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française, JORF n°0272 du 22 novembre 2017.

(7) La féminisation des noms de métiers et de fonctions, accessible en ligne.
(8) Le thème de la féminisation fait débat dans la société : v. par exemple France Culture, Répliques, Alain FINKIELKRAUT, émission du 27 avril 2019, La langue française et les femmes, Le jumelage systématique du genre grammatical avec le sexe est-il une victoire pour les femmes et pour la langue  ? ; invités Bernard CERQUIGLINI, professeur de linguistique à Paris 7, membre de l'Oulipo, et Bérénice LEVET, philosophe et essayiste. Il fait débat aussi au Laboratoire de sociologie juridique, mais l'esprit d'équipe l'a emporté sur la réticence des moins convaincus, qui ont accepté que la publication soit faite au nom du laboratoire. Merci à leur tolérance !